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Le jazz aux tripes

Dernière mise à jour : 7 juin

Armand Meignan, Directeur artistique de Jazz à Dissay


Comme tous les bons moments, Jazz à Dissay est né de rencontres et d’une soudaine envie commune. Armand Meignan, son Directeur artistique, a partagé cette envie, et a posé sur la table son plus précieux cadeau : 50 d’amour, de défense et d’engagement pour le jazz. Il lève (un peu) le voile dans cette interview. 


Ce week-end de festival, point d’orgue de Jazz à Dissay, propose de très beaux concerts, avec une offre très diversifiée, des choix très affirmés. 

Comment composez-vous un tel week-end ? Quels sont les ingrédients que vous voulez y voir ?

 

Depuis toujours, dans tous les festivals que j'ai dirigés ou programmés, quel que soit le montant du budget artistique, j'ai toujours essayé de rester dans une ligne de programmation très jazz. J’évite les musiques cousines du jazz, alors que c’est devenu, pour des raisons commerciales, une tendance très répandue aujourd’hui. On peut ainsi voir, dans les programmes d’autres festivals de cet été (Antibes, Vienne, etc...) des artistes qui sont très loin du jazz : Tiken Jah Fakoly, Village People, Louis Bertignac, Youssou N’Dour… Tous ces festivals sont devenus un peu interchangeables, en fait…

Alors, nos ingrédients à nous sont un peu différents : un mélange entre la nouvelle vague du jazz français, des valeurs confirmées du jazz européen, et la nouvelle perle du jazz américain!



Vous avez en effet toujours eu à coeur de promouvoir les nouvelles générations, françaises et européennes. A vouloir leur trouver une place. C’est ce que vous faites ici avec Mamie Jotax et Meije, par exemple. Mais il y a globalement beaucoup de jeunes artistes cette année… C’est important pour vous de supporter comme cela les nouvelles générations ?

 

Oui bien sûr, et je l'ai toujours fait. Emile Parisien, par exemple, a fait l'un de ses premiers concerts à l’Europajazz, que j’ai créé en 1980… Mamie Jotax, Yoann Loustalot avec Yéti, Meije évidemment avec la talentueuse Léa Ciechelski, la flûtiste Sylvaine Hélary représentent la nouvelle génération du jazz français. Elle est très  interessante, ouverte et créative . Elle est très riche aussi en personnalités féminines, qui apportent un nouveau son et une nouvelle façon de jouer le jazz ! Il y a de quoi être heureux et optimiste, franchement.

 


C’est la quatrième édition de Jazz à Dissay, et on remarque que vous aimez bien faire revenir des artistes, sous des formes éventuellement différentes. Paul Lay et Yoann Loustalot reviennent ainsi cette année, non pas en tant que sidemen, mais en tant que leaders, Robin Fincker est lui sur un nouveau duo… Cette fidélité à des artistes semble être une marque de fabrique chez vous, non ?

 

Oui, c'est très important qu'un festival puisse être un compagnon de route des différents projets des musiciens! A l'Europajazz au Mans, j'ai été un partenaire historique de beaucoup de musiciens français comme Sclavis, Portal, Texier, Humair, Tchamitchian, Monniot, Corneloup… mais aussi Européens comme Willem Breuker, Paolo Damiani, Gian Luigi Trovesi et tant d’autres....


Et je crois -non, je sais- que les spectateurs aiment retrouver de temps en temps un musicien qu'ils ont aimé, le voir dans un nouveau projet. Il y a une fidélité réciproque qui s’installe: du festival envers l’artiste, de l’artiste envers le public, du public envers le festival… D’ailleurs le parrain de notre festival, Louis Sclavis, est un exemple emblématique : chaque année ou presque -il n’est pas présent à Dissay cette année, il propose un nouveau projet ou un nouveau groupe.



Y a-t-il, dans tous les concerts de ce week-end, des formations que vous êtes impatient de voir ?

 

Toutes évidemment ! On ne les a pas choisies pour rien… (rires). Mais Paul Lay, avec Isabelle Sorling, devrait être un magnifique moment ! Il y a aussi Andreas Schaerer qui est

un instrumentiste vocal extraordinaire, qui va être une découverte pour le public (et qui est dans la même soirée que l’époustouflant trompettiste Yoann Loustalot). Et puis James Brandon Lewis : il représente cette nouvelle génération américaine : il est fidèle à la tradition (celle de Coltrane, celle de Rollins...) mais possède par ailleurs  un

« son » et une « générosité » presque unique aujourd'hui.

 

 

Lorsqu’on parle de musique jazz, ça inquiète parfois. Comme si cette musique n’était pas accessible à tous et à toutes. Alors que le jazz, c’est aussi bien du blues, de la soul, du swing, du classique, du rock ou des ballades… D’ailleurs on le voit bien dans votre programmation. Comment expliquez-vous cela, mais surtout que diriez-vous à une personne qui pense que le jazz n’est pas une musique pour elle ?

 

Le jazz est une musique populaire ! Elle est née de la musique populaire et elle l’a emmené sur de nouveaux chemins. Même dans ses options contemporaines, cela



reste une musique populaire. Je vais vous dire un secret, que vous pouvez répéter : ce sont les "amateurs de jazz" auto-proclamés qui font croire que c’est une musique pour « connaisseurs »; je pense qu’ils veulent garder ce plaisir pour eux seuls… (rires). 


Depuis 40 ans, à l'Europa jazz au Mans, à Orléans Jazz et dans d'autres festivals, j'ai mené un véritable combat pour faire accepter le jazz, même le plus contemporain, par tous. Le meilleur exemple étant mes 20 ans de direction artistique aux Rendez-vous de l’Erdre, à Nantes. C’est un festival gratuit, qui attire prés de 200 000 spectateurs en 5 jours, avec beaucoup un public familial dont c'était le premier contact avec le jazz . J’y ai fait jouer les mêmes musiciens, dits "contemporains" et « free », que ceux que j'invitais à L’Europajazz, qui était un festival plus spécialisé ! Et le public était ravi, conquis, enchanté d'avoir "supporté" du jazz qu'il n'était pas censé aimer avant… Il faut arrêter avec cette distinction idiote entre le jazz et les autres musiques. 


En revanche, je crois que le jazz, surtout celui d’aujourd'hui, s'écoute d'abord en live, en contact direct avec les musiciens, dans la cérémonie du concert.






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